mardi, mars 18, 2008

Commentaire de documents - Niveau B2 - C1

sujet :

Dégagez le thème principal de ces deux articles. Que pensez-vous du role de la télévision dans notre société. Argumentez.

Document 1 :

3.La violence télévisée

Beaucoup de gens croient, à tort ou à raison, que la violence et le crime augmentent
dans notre société. Pour certains, ce qu’ils voient à la télévision, dans les films ou
les séries policières par exemple, leur semble la réalité. Aussi, quand ils visionnent
les actualités, ils s’imaginent qu’ils viennent de consommer une extension de la
fiction.
Il y a les autres qui ne s’étonnent plus de la brutalité qu’on trouve dans beaucoup
d’émissions parce qu’ils s’y habituent ou même, s’en amusent. Tout ce qu’ils
regardent les amène à ne plus rien ressentir. Tout le monde ne se comporte pas
ainsi, mais il n’en demeure pas moins que les différentes formes de violence qu’on
véhicule à la télé insensibilisent un certain nombre de personnes qui supportent
mieux que d’autres, on dirait, des scènes disgracieuses.
L’État, les propriétaires de stations de télé, les censeurs, les téléspectateurs,
tous réclament des lois à grands cris, mais personne n’acquiesce aux propositions
émises par les intervenants concernés. Chacun possède sa propre perception de ce
que devraient être des émissions dites « saines ». Pendant qu’on s’interroge, les
points de vue ne cessent de se multiplier et l’opinion publique s’impatiente. Bref,
on piétine.

Document 2 :

Violence : faut-il censurer la télé ?
La télévision incite-t-elle les jeunes à adopter des comportements violents ? Plusieurs faits divers tragiques paraissent étayer cette thèse. Le rapport de la Commission Kriegel dresse le portrait d’une violence gratuite, dénuée de sens, qui plus est "exhibée" par certains réalisateurs. Elle propose des mesures pour mieux la contrôler, provoquant le tollé d’une partie des milieux du cinéma et de l’audiovisuel.

26 mars 2002, Richard Durn tuait 8 membres du conseil municipal de Nanterre à l’issue de la séance à laquelle il venait d’assister. Il expliquera à la police avant de se suicider que pour comprendre son geste, il fallait regarder "Taxi Driver", film de Martin Scorsese dont le héros projette d’abattre un candidat à la présidence. Une dizaine de jours plus tôt, deux adolescentes avaient torturé une camarade de classe de 14 ans, la laissant pour morte après lui avoir sectionné les veines des poignets et lacéré le visage à l’aide de tessons de bouteille. Elles avoueront regarder de nombreux films d’horreur, incitant le substitut du procureur à se déclarer "persuadé que les deux jeunes filles ont été marquées par cette influence culturelle néfaste". Le 4 juin 2002, un lycéen de 17 ans tue une camarade de 15 ans près de Nantes après avoir regardé deux semaines auparavant "Scream".

Commission Kriegel contre la violence
Cette succession de fait divers tragiques s’est déroulée dans le contexte particulier de la campagne présidentielle, marquée par le thème de l’insécurité. Ils ont contribué à relancer le débat sur les effets de la banalisation de la violence à la télévision et au cinéma par la répétition des images. Bien sûr tous les jeunes qui regardent ces émissions ou ces films ne vont pas soudainement se transformer en Mister Hyde, mais dans un contexte particulier les plus fragiles d’entre eux peuvent trouver ainsi un exutoire.

En 2002, la philosophe Blandine Kriegel fut chargée de réaliser un rapport pour comprendre et endiguer le phénomène. Elle s’est entourée de 36 personnalités - journalistes, universitaires, médecins, juristes - pour élaborer son rapport, présenté le 14 novembre 2002. La violence y est définie comme étant une "force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique pour mettre en cause dans un but de domination ou de destruction l’humanité de l’individu". La Commission établit un lien entre "la diffusion de spectacles violents sur le comportement des plus jeunes et/ou un ensemble de présomptions convergentes tendant à établir cet effet", celui-ci étant proportionnel au temps passé devant l’écran.

Contrôle de la violence : le retard français
Si les législations française et européenne concernant la diffusion de spectacles violents ou pornographiques à la télévision sont abondantes, les associations familiales auditionnées les jugent cependant insuffisantes. En matière de protection des mineurs et de respect de la dignité humaine, il semblerait que nos voisins en fassent davantage. La Commission Kriegel note ainsi qu’en France, il n’existe pas de classification systématique pour les films qui sortent en salle. Seuls 15 à 20 % d’entre eux sont contrôlés, contre 80 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne. De plus, le champ de compétence de la Commission de classification des films est limitée. Le rapport propose que ses nouvelles prérogatives englobent celles de la Commission de contrôle des DVD et vidéocassettes et soient élargies progressivement aux jeux vidéos et à l’Internet, autant d’écrans qui peuvent offrir des spectacles violents...

Mettre la pornographie hors de portée des enfants
Sujet de société phare ces derniers mois, la Commission était attendue au tournant sur la pornographie. Contre toute attente, elle n’en recommande pas l’interdiction quand elle s’adresse aux seuls adultes, car "elle aurait un effet de déresponsabilisation" des créateurs de fictions, des programmateurs de chaîne, des diffuseurs et des "consommateurs de télévision". Le rapport plaide pour la mise en place d’un système de double cryptage ou de paiement à la séance pour rendre la pornographie inaccessible aux jeunes. Plus largement, l’interdiction des programmes violents entre 7 heures et 22h30 vise à mettre fin aux exceptions permettant actuellement aux chaînes de télévision de diffuser 4 films par an interdits aux moins de douze ans dans les horaires accessibles à tout public. Or, selon Blandine Kriegel qui s’exprimait dans le cadre de l’émission "Arrêt sur images" sur France 5, avec le temps les chaînes se seraient peu à peu affranchies de ces restrictions et le nombre de films violents se serait multiplié à 20h50. Le renforcement des missions du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) devraient lui permettre de sanctionner les contrevenants.

Promouvoir l’éducation à la télévision
Il paraît cependant impossible de dresser un "cordon sanitaire" autour des enfants, d’autant plus que la violence fait partie de la vie et que cette réalité ne peut être niée. Mais les images exercent une fascination qui ne permet pas aux plus jeunes d’avoir suffisamment de recul. L’apprentissage de la lecture critique de l'image doit leur permettre de devenir des téléspectateurs avertis. Des associations telles que Les pieds dans le PAF et Savoir au Présent se rendent dans les établissements scolaires qui en font la demande, accompagnées de réalisateurs. L’objectif est de former les jeunes au sens critique face aux images en leur donnant les outils pour mieux comprendre les conditions de réalisation d'un documentaire. La Commission Kriegel recommande d’ailleurs la généralisation des expériences d’éducation à l’image engagées par le Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information (CLEMI) ou le Centre national de documentation pédagogique (CNDP) au sein de l’Education nationale.

Les parents doivent prendre part à ce travail de sensibilisation. "Il faut s’efforcer d’accompagner l’enfant téléspectateur pour voir avec lui ce qu’il regarde et au besoin dédramatiser la situation télévisuelle" suggèrent René Blind et Michaël Pool, auteur des Dangers de l’écran. Ils conseillent de s’informer sur le contenu, la durée et la qualité des émissions vues par les enfants et de "se donner le droit de dire non". C’est à ces conditions que la télévision pourra remplir son rôle éducatif.

Un rapport pour rien ?
Mais Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture de l'époque, s’est finalement démarqué des recommandations du rapport Kriegel au cours d’une conférence de presse, mardi 26 novembre 2002. Jean-Jacques Aillagon a notamment déclaré que la commission de classification devait "rester propre au cinéma" renonçant à créer une instance unique avec la Commission de contrôle des DVD et vidéocassettes. Il s’est en revanche déclaré "sensible à la proposition de la commission de faire évoluer les règles" concernant les VHS, les DVD et les "jeux vidéo" en créant une commission spécifique. De même il souhaite maintenir les quatre exceptions par an et par chaîne permettant la diffusion avant 22 heures de films interdits aux moins de douze ans. Le ministre "compte sur une démarche volontaire des chaînes" pour qu'elles ne proposent pas de bandes-annonces pour ces films aux heures grand public.

En revanche le ministre va dans le sens de la Commission Kriegel quand il souhaite donner des pouvoirs de sanction financière au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en matière de contrôle de la violence et de la pornographie à la télévision. De même, une commission d’évaluation de la "dérive violente sur les chaînes télévisées et du respect des règles" pourrait voir le jour au sein du CSA. La promotion d’émissions éducatives, la publication des chartes déontologiques des chaînes reçoivent également son approbation.

Pour l’instant, la nouvelle mesure prise par le CSA est la mise en place d’une nouvelle signalétique plus claire. De plus, une proposition de loi, déposée le 14 octobre 2002 par des députés UMP et soutenue par Jean-Jacques Aillagon prévoit d’interdire "les programmes comprenant des scènes de violence gratuite ou de pornographie", sauf s'ils sont protégés par un code.

Mathieu Ozanam



Savoir au présent
63, rue du Général-Leclerc
94270 Le Kremlin-Bicêtre.
01 46 71 69 61



"Les dangers de l’écran" de René Blind et Michaël Pool, Editions Jouvence, 173 pages, 17 €uros.
"Les enfants et la publicité télévisée" de Françoise Minot et Sophie Laurent, Direction du développement et des médias (DDM), La Documentation française, Paris, 2002, 20 €uros.